BANDREFAM – BANGOUA – BAPOUANTOU : Une histoire de famille à la base…
Le Royaume BANGOUA fut fondé vers 1440 par LEKEMEGNE, un habile chasseur, prince BANDREFAM, plus connu sous le nom de NJOKVEUP (Chasseur). LEKEMEGNE avait pour frère jumeau NJANMEGNE qui ira dans le Haut-Nkam fonder le Royaume BAPOUANTOU.
Les deux royaumes actuels (BANGOUA et BANDREFAM) s’appelaient alors respectivement NWOUO et FAPNWOUO. Littéralement, FAPNWOUO peut être traduit comme <<le lieu abandonné par les NWOUO ». Une source estime que c’est le Roi NO-TCHOUTOUO qui avait imposé l’appellation FAPNWOUO à l’administration coloniale installée à BANA au cours du recensement des populations en 1916. Après la Guerre de Neuf Ans, certains ont traduit FAPNWOUO comme <<la plantation ou le champ abandonné par les NWOUO », vu que le terme <<Fap ou Fam » était entré dans le langage courant comme un emprunt dérivé du mot anglais <<Farm » qui veut dire <<Champ ». Ils ont donc remplacé FAPNWOUO par NDIOKFAP, de peur que les NWOUO ne viennent plus tard réclamer leur plantation. Durant le passage du colon, le préfixe <<Ba » fut inventé pour signifier <<les gens ou les habitants de ». NWOUO devint alors BANGWA sous les Allemands ensuite BANGOUA sous les Français, tandis que NDIOKFAP devint BANDREFAM. Les deux villages ont les mêmes us et coutumes et partagent les mêmes frontières. Ils appartiennent tous au même groupe linguistique (NDAH – NDAH) avec entre autres BATOUFAM, BANGANG-FOKAM et BANGANG-FONDJI. Avec le découpage administratif, BANGOUA faisait partie de la Subdivision de BANGANGTE plus tard devenue le Département du NDE ; tandis que BANDREFAM appartenait à la Subdivision de la MIFI. Après éclatement de la MIFI en 1992, BANDREFAM fait aujourd’hui partie du Département du KOUNG-KHI.
- La Guerre de Neuf Ans (1910 – 1919)
Depuis 1854, Fôh NO-TCHOUTOUO, grand guerrier de la dynastie de NJOKVEUP, régnait sur BANGOUA tandis que le Roi NGANSOP occupait le trône à BANDREFAM. Une centaine de BANGOUA qui allait faire le commerce dans le Royaume BAMOUN, fut arrêtée à BANGANG-FOKAM et vendue comme esclaves. L’information parvint au Roi NO-TCHOUTOUO qui, mécontent, décida de faire une expédition punitive à BANGANG-FOKAM. En tant que fin stratège, Fôh NO-TCHOUTOUO ne voulut pas attaquer BANGANG-FOKAM à partir de leur frontière commune ; il souhaita passer par BANDREFAM pour surprendre BANGANG-FOKAM de derrière. Par deux fois, il demanda le passage à son père de BANDREFAM et par deux fois, celui-ci refusa qu’on passe par chez lui pour attaquer son voisin. La troisième fois en 1910, Fôh NO-TCHOUTOUO arriva plutôt avec les armes à la main et s’attaqua à BANDREFAM. C’est ainsi que cette guerre dura jusqu’en 1919 et elle fut baptisée <<Guerre de Neuf Ans » par les écrivains et historiens. Au terme de cette guerre, BANDREFAM va perdre beaucoup d’hommes et une bonne partie de son territoire (les actuels quartiers Nah’ et Peûp) au profit de BANGOUA. Le palais royal fut également consumé. Malgré tout ce long affrontement, NO-TCHOUTOUO ne réussira pas à passer pour atteindre BANGANG-FOKAM, sa cible de départ. Dès lors, ce furent la césure, la rupture entre le père et le fils ; désormais, BANDREFAM et BANGOUA se craignaient et se regardaient en chiens de faïence. D’ailleurs Fôh NGANSOP laissa un testament à son peuple en ces termes : ’’NO-TCHOUTOUO, mon fils, m’a combattu pendant neuf ans. Lui et moi ne pourrons rien arranger. C’est mon successeur qui peut le faire si les BANGOUA demandent pardon. Quand les choses se seront arrangées, le Roi qui sera au trône à BANDREFAM enverra celui de BATOUFAM implanter le NGNIEU (Danse des princes) à BANGOUA.’’
- Après la Guerre de Neuf Ans, BANDREFAM toujours dans le calvaire…
Le Roi des BANDREFAM va connaître, avec une bonne partie de ses hommes, 7 années d’exil (1919 – 1926) à BANDJOUN, imputables aux BANGOUA selon les BANDREFAM. En effet, selon certaines sources, l’administrateur colonial avait convoqué une réunion des chefs traditionnels Bamiléké à la Chefferie BANGOUA. Le Roi JOUONANG de BANDREFAM arriva en retard. A la question de savoir pourquoi, il répondit en langue locale qu’il avait marché à pied. L’interprète (un BANGOUA du nom de SEUWA) aurait fait la traduction suivante : <<Qui es-tu pour me poser des questions ? » Ce qui aurait énervé le colon qui décida de l’exil du chef ‘’récalcitrant’’. Durant ces années d’exil, les BANGOUA prirent également d’assaut BANDREFAM et détruisirent tout. De retour d’exil, le Roi décida de changer l’appellation FAPNWOUO afin de couper avec toute nomenclature similaire liée à NWOUO. Le territoire devint alors NDIOKFAP.
- Même après l’Indépendance du pays, l’affrontement persiste entre ces 2 royaumes…
Le 26 Mai 1961, les maquisards prirent d’assaut le Palais Royal BANGOUA et une case y fut entièrement incendiée avec tout son contenu. Cet acte ignoble remonta Fôh WANTONG NONO Zacharie nouvellement arrivé au trône seulement en 1957 et successeur de Fôh NO-TCHOUTOUO. Le 29 Mai 1961, dans sa lutte acharnée contre le terrorisme et les troubles post-indépendantistes, il décida d’envahir BANDREFAM. Il décima la population, brûla à nouveau les maisons aux alentours du palais royal et les deux fusils laissés par son père NO-TCHOUTOUO. Il fut aidé dans ses assauts par un bataillon mixte (France – Cameroun) des Commandos. Le Roi JIEJIP POUOKAM (à peine arrivé au trône à BANDREFAM en 1956) fut vaincu puis humilié sur la place publique de sa chefferie. Accusé de soutenir les maquisards, il fut emprisonné dans les maisons d’arrêt à Dschang puis à Bafoussam où il subit plusieurs tentatives d’assassinat avant d’être finalement libéré le 30 Août 1962 par le Tribunal Militaire. Plus tard après la relaxe de Fôh JIEJIP, Fôh WANTONG porta plainte contre lui auprès de Monsieur Gilbert TSOUNGUI ANDZE, alors Inspecteur Fédéral de l’Administration pour la Région de l’Ouest. Les chefs d’accusation restent les mêmes (d’être un chef des maquisards). L’Administrateur Fédéral organisa une rencontre à la Sous-Préfecture de BANGOU afin de s’enquérir de la situation face aux deux protagonistes. Au cours des échanges, il réalisa avec stupéfaction que l’un était le père de l’autre et il les mit tous deux à la porte, leur demandant d’aller régler paisiblement leurs différends dans un cadre familial. La rupture entre ces deux royaumes commencée sous le règne du Roi NO-TCHOUTOUO ne fit que s’aggraver même sous l’ère de son successeur. En 1959, face au début de la mésentente avec Fôh WANTONG, le Roi JIEJIP décida de ne plus jamais mettre pied à BANGOUA.
SA’AH NGANSOP NONO Frédéric
Membre de la Commission Communication du Vingtenaire au trône de Fôh DJAMPOU (Décembre 2022)