Hôpital Protestant

Tout le village tourne autour de l’hôpital. En dehors de l’hôpital même, plusieurs quartiers regroupent les logements du personnel. Au centre se trouve le temple pour le culte protestant et un terrain de foot indispensable au Cameroun. Un peu plus bas, on tombe sur le « carrefour » : mini point de rencontre avec salon de coiffure, petites échoppes pour les courses de dépannage, cabine téléphonique (Call Box), quelaues buvettes et départ des taxis et mototaxis pour les villes et villages environnant.

L’hôpital de Bangwa est un hôpital de référence dans l’Ouest et fait partie du réseau des hôpitaux de l’Eglise Evangélique du Cameroun. Il compte +340 lits et est divisé en cinq services, répartis en différents pavillons: la gynécologie-obstétrique, la médecine interne, les soins intensifs (médicaux et chirurgicaux), la chirurgie et la pédiatrie. Rien à voir avec nos hôpitaux européens. C’est très folklorique: dans chaque chambre, il y a une dizaine de malades accompagnés de leurs garde-malades. Le garde-malade, membre de la famille ou ami, s’occupe de son patient, achète les médicaments, prépare la nourriture et dort souvent sous son lit.

  • Les soins intensifs sont très prenants. Y sont regroupés les cas les plus aigus et les plus graves. Mais rien à voir avec les soins européens : aucune machine, aucun monitoring, on se débrouille avec tensiomètre, thermomètre et stéthoscope. C’est éprouvant mais on y apprend énormément tant sur le plan médical qu’humain.
  • La médecine s’occupe des malades plus stables. Avec le pavillon des tuberculeux et les salles septiques, c’est le plus grand service de l’hôpital.
  • La gynécologie-obstétrique est organisée de la façon suivante: une salle pour les prénatales, une pour la gynécologie, deux pour les accouchées, une salle pour les prématurés et une avant-salle pour les cas nécessitant une surveillance rapprochée, sans oublier une salle de consultations et bien sûr la salle d’accouchements où nous avons vécu des moments inoubliables. Les accouchements se font sans péridurale et sur une simple panne. A côté de ceux-ci et des interventions gynécologiques, ont lieu les consultations prénatales, les campagnes de vaccination infantile et le planning familial. C’est l’endroit de choix pour apprendre l’examen clinique gynécologique et obstétrical. Il faut souligner que l’équipe de la maternité est vraiment exceptionnelle et prête à partager son savoir-faire.
  • La pédiatrie comporte une salle de soins plus intensifs, une salle médicale, une salle chirurgicale et une salle d’isolement pour les méningites. Comme partout, c’est dur de voir souffrir des enfants. Encore plus quand les moyens manquent.
  • La chirurgie est en activité permanente. Un futur chirurgien y trouvera son bonheur. Mais, âmes sensibles, abstenez-vous: le contrôle de la douleur est médiocre et l’anesthésie générale peu surveillée. Bien que le travail nous semble grossier, les résultats sont bons.
  • Les moyens diagnostiques et thérapeutiques disponibles sont nettement plus limités qu’en Europe. Pour le diagnostic, l’hôpital dispose d’un laboratoire, d’un appareil échographique, et d’une salle de radiologie. Les tests de laboratoire se limitent à la biologie de base. On est parfois bien frustré de ne pouvoir doser le taux de plaquettes sanguines, les amylases-lipases, la bilirubine, la TSH… Aucune culture bactérienne possible, on ne se fie qu’à l’examen direct. Par conséquent, on traite fréquemment sur simple suspicion clinique. En outre, on soigne plus les symptômes que l’origine du mal: prurit=antihistaminique, lombalgie=AINS, épigastralgie=cimétidine, éosinophilie=vermox! Il faut noter que la majeur partie des hòpitaux du Cameroun ont ces mème problèmes.
  • Le nombre de médicaments est fort limité: pas d’Augmentin, pas de quinolone, pas d’IEC, pas de dérivé nitré… Il n’y a souvent qu’un seul médicament par classe. En plus, beaucoup de produits abandonnés chez nous sont encore utilisés. Ainsi, le chloramphénicol reste l’antibiotique préféré du médecin-chef. L’avantage de cette situation est qu’on maîtrise assez vite les différentes thérapeutiques pour chaque tableau clinique.

L’Hôpital ne fonctionne qu’avec environ deux médecins. Pour compenser le nombre très limité de médecins, il y a beaucoup d’infirmiers et d’aide-soignants. Ils font beaucoup de choses : accouchements, ponctions pleurales, anesthésies, contentions de fractures, extractions dentaires,… Ici prévalent l’expérience et la compétence bien plus que le diplôme. Leur travail est indispensable au bon fonctionnement de l’hôpital, mais il y a malheureusement parfois des erreurs. C’est le prix à payer. A Bangwa on s’en tire avec les moyens du bord mais le résultat final est positif.

PATHOLOGIES LES PLUS RENCONTREES

Les pathologies rencontrées sont très diversifiées et la clinique est très riche. Les patients arrivent souvent fort tard à l’hôpital (pas de sécurité sociale) et leur maladie est fort avancée. Leurs symptômes illustrent parfaitement notre cours de séméiologie: ventre de bois, hépatosplénomégalie, pli cutané paresseux, souffle cardiaque, ascite, épanchement pleural, raideur de nuque, paralysie faciale…

  • Les infections sont très nombreuses : malaria bien sûr, énormément de SIDA et de tuberculoses, pneumonies, pyélonéphrites, méningites, fièvres typhoïdes, amibiases…Il y a également beaucoup de cas cardiologiques: décompensations cardiaques sur HTA chronique ou cardiopathie congénitale, beaucoup d’AVC mais quasi pas de coronaropathies.Les syndrômes ulcéreux sont fréquents: de l’épigastralgie chronique à la perforation en passant par les hémorragies digestives (pour nous,c’est clair: ils mangent trop de piment …). On voit également beaucoup d’occlusions intestinales avec ventres de bois, bruits métalliques, niveaux hydroaériques, croissants sous-diaphragmatiques , …Les cancers sont rares (ou non diagnostiqués?). A Bangwa, devant un amaigrissement, on pense d’abord au SIDA ou à la tuberculose. Parmi les néoplasies prédominent les hépatomes, les cancers du col et du sein, et certaines hémopathies malignes.Les rhumatologues, les endocrinologues et les hématologues ne trouveront pas vraiment leur compte ici: la TSH n’est pas dosable, rhumatisme = cortisone et toute anémie est ferriprive.
  • En pédiatrie, la moitié des enfants arrivent pour accès palustre souvent compliqué d’anémie ou d’atteinte cérébrale. Sinon, c’est très varié: Kwashiorkor, syndromes néphrotiques, gastro-entérites, adénites, SIDA, lymphomes, tumeur de Wilms…

La gynécologie-obstétrique est aussi très riche: grossesses extra-utérines, salpingites, fibromes, kystes ovariens, cancers du col, accouchements de tous types, du plus simple au plus compliqué.


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Alexa Seleno
@alexaseleno