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LA FETE DE MACABO DANS LE CONTEXTE ACTUEL DE LA NATION CAMEROUNAISE

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Le peuple BANGOUA s’est inscrit dans la logique du vivre-ensemble depuis l’aube des temps. La Fête de MACABO qu’il célèbre tous les deux ans entre en droite ligne dans cette démarche qui milite en faveur du multiculturalisme et du vivre-ensemble qui constituent le socle d’une Nation éprise de paix et d’unité.

  • LE CONTEXTE HISTORIQUE

NONO, dit NO-TCHOUTOUO fut l’un des plus puissants rois de la dynastie des têtes couronnées ayant gouverné à Bangoua. D’une longévité exceptionnelle au pouvoir, l’aïeul du Roi DJAMPOU ANICK JULIO qui règne à Bangoua actuellement, a marqué de manière indélébile son passage au pouvoir. De 1897 à  1957, année de sa disparition, il a administré son royaume avec vigueur et dynamisme. Guerrier aguerri, il était craint et redouté par les rois de tous les villages proches ou lointains. La preuve, il avait menacé de représailles le Chef GAREGA de Bali du Nord-Ouest Cameroun si ce dernier, qui avait eu à se frotter aux colons en premier, ne lui restituait pas tous les présents qu’il lui avait envoyés pour obtenir la protection de son royaume contre les hommes ״anthropophages״ à la peau rouge. En effet profitant de la présence des militaires allemands dans son royaume, le Roi Bali avait décidé de faire valoir sa supériorité vis-à-vis de ses collègues par des mesures les plus perverses. Bangoua n’échappa pas à cette règle; FO NO-TCHOUTOUO, prévoyant et soucieux de préserver son peuple contre les ravages de ces « bêtes à la peau rouge mangeurs d’hommes » dut payer un lourd tribut pour éviter le désastre. C’est ainsi qu’il achemina vers le Roi de Bali des centaines de filles, des défenses d’éléphants, des perles, des pagnes traditionnels de grande valeur etc. Dès que l’occasion se présenta, il accueillit avec enthousiasme dès 1905, les soldats allemands et découvrit avec stupéfaction qu’ils n’étaient pas des mangeurs d’hommes comme le laissait entendre le rusé GAREGA, Roi de Bali.

Fôh NÔH-TCHOUTOUO, le légendaire Roi des BANGOUA, initiateur de la Fête de MACABO

  • LES DEBOIRES D’UN ROI AVEC LA COLONISATION

Le Roi NO-TCHOUTOUO a donc eu à faire face à la double colonisation allemande et française. Ses rapports avec les Allemands, qui l’ont aidé à agrandir son territoire étaient excellents. Mais ces derniers ayant perdu la Première Guerre Mondiale ont cédé, malgré eux, la place aux Français qui ne voyaient pas d’un bon œil ce puissant roi germanophile confortablement installé au pouvoir à Bangoua. Il fallait manœuvrer pour le déstabiliser, l’évincer et mettre à sa place un homme du terroir formé à leur école, susceptible d’être manipulé et qui avait surtout la culture francophone. Ils trouvèrent, à cet effet, Jean NONO, le neveu de ce dynamique roi que ce dernier avait envoyé à l’école française à Bana pour apprendre la langue et les nouvelles techniques de gestion afin de l’aider à mieux comprendre les nouveaux maîtres dont les intentions n’étaient pas toujours empreintes de bienveillance. 

C’est ainsi que les problèmes entre NO-TCHOUTOUO et les colons français émaillèrent son règne et, dès 1930 la mésentente s’intensifia pour aboutir à son exil à FOTO (Dschang) en 1932.

  • LE SOUTIEN D’UN PEUPLE A SON ROI EXILE

Pendant les seize années qu’avait duré son séjour dans ce royaume de l’actuel Département de la Menoua, les Bangoua n’étaient pas restés les bras croisés. L’agitation dans le Groupement, entretenue par les populations de l’intérieur et une bonne frange de celles de l’extérieur, était permanente.

Pour sa subsistance à FOTO (Dschang), les Bangoua, surtout ceux de la diaspora et particulièrement ceux de Nkongsamba dans le Département du Moungo, Région du Littoral, s’étaient mobilisés et lui apportaient fréquemment de la nourriture. Le MACABO, très apprécié, figurait en bonne place dans la panoplie des vivres qu’on lui apportait. Le « MACABO », faut-il le rappeler, était un aliment nouveau dans la fourchette des recettes du terroir Bangoua.

Le roi n’avait pas oublié cette sollicitude des Bangoua du Moungo et, le 05 Novembre 1948, date de son retour au pouvoir à Bangoua son royaume, le mot « MACABO » revenait régulièrement au moment de l’accueil des populations qui, avec enthousiasme venaient célébrer son retour.

  • UNE FÊTE DENOMMEE « FÊTE DE MACABO ».

Le retour de NO-TCHOUTOUO à Bangoua avait soulevé un enthousiasme débordant dans les communautés Bangoua de l’intérieur et de l’extérieur. Les populations Bangoua étaient venues massivement ce 05 Novembre 1948 pour fêter cet événement historique. Mais pourquoi cette fête porte-t-elle le nom «Macabo» abondamment cultivé et consommé dans le Département du Moungo, alors que le village Bangoua, dans le temps n’était pas un grand bassin de production de ce tubercule?

Parade de la communauté anglophone de BANGOUA lors du MACABO 2019

Plusieurs explications sont avancées :

–        La première thèse laisse entendre que NO-TCHOUTOUO en donnant à cette fête le nom « Macabo » voulait ainsi faire honneur à ceux qui l’avaient aidé à regagner son trône. Ils résidaient pour la plupart à Nkongsamba dans le Département du Moungo, région à forte consommation de ce tubercule.

–        Une deuxième thèse laisse comprendre que NO-TCHOUTOUO, émerveillé par la puissante délégation venue de tous les coins du Cameroun pour fêter son retour à Bangoua, mais aussi pour marquer sa reconnaissance envers tous ceux qui s’étaient battus pour qu’il regagne son trône, avait dit : « Les Macabos sont venus ! ». Traduction : Les feuilles de Macabo ont cette faculté d’alimenter d’abord leurs racines en eau de pluie avant de mouiller celles des plantes voisines; ceci par opposition aux feuilles de taro qui collectent l’eau pour arroser d’abord les plantes voisines avant de penser à ses propres racines.

Ce qu’il faut retenir c’est que le mot « MACABO » colle bien à cette fête historique commémorative du retour du roi au trône grâce à la participation active et remarquable des Bangoua résidant dans le Moungo qui approvisionnaient leur roi et sa famille lors de l’exil.

Il convient de signaler que le Groupement Bangoua s’est approprié au fil des temps la culture et la consommation du MACABO comme on l’a constaté lors des éditions de cette grande fête culturelle. Les mets à base de ce tubercule sont à l’honneur. En attendant la prochaine édition, nous situons l’importance de cette fête dans le contexte actuel de notre pays, le Cameroun.

  • LA FÊTE DE MACABO DANS LE CONTEXTE ACTUEL DE LA NATION
    • Le «vivre-ensemble»: Le «vivre-ensemble» a toujours été le leitmotiv des populations Bangoua depuis l’époque de NO-TCHOUTOUO. Qu’on en juge :
    • Le Roi NO-TCHOUTOUO pour faire partir à pieds ses émissaires de Bangoua à Bali (distant d’environ 133 km via les Routes Nationales N° 4 et 6) solliciter l’aide des Allemands pour protéger son royaume, a dû user de beaucoup de sagesse et de diplomatie pour traverser des contrées, parfois hostiles, pour arriver dans ce royaume lointain. Les émissaires, partout où ils passaient, laissaient des cadeaux et ces cadeaux étaient constitués très souvent des filles qui, au fil du temps, fondaient des familles d’origine Bangoua tout le long du chemin conduisant à Bali.
  • Fôh DJAMPOU Anick Julio, Roi actuel des BANGOUA

     
    • Ce roi a accueilli dans son royaume des soldats allemands dès 1905 et l’église protestante en 1911. Cette dernière a créé l’une des premières écoles de la Région qui, au fil des années a formé de nombreuses élites. Les élèves, en quête du savoir dispensé par les nouveaux maîtres, venus des villages éloignés vivaient en parfaite harmonie avec les enfants Bangoua.
    • Outre l’école, le roi, toujours soucieux du bien-être des habitants de toute la Région, octroya des hectares de terrain à l’église pour la construction de l’Hôpital Protestant de Bangwa, hôpital de référence qui fonctionne encore aujourd’hui. Cet hôpital fit la réputation du royaume en accueillant des milliers de malades en provenance de diverses Régions du Cameroun. Certains malades guéris et bien encadrés par les Bangoua, choisissaient de s’installer dans le village sur des terrains offerts gracieusement par le roi.
    • En plus de ces éléments, le célèbre Marché de KAP-NAH fut l’un des fleurons de l’économie non seulement du village mais aussi de toute la Région. Il était le plus grand centre de transaction des bœufs et de cola dans le sud Cameroun et drainait des foules d’acheteurs et de vendeurs qui, une fois par semaine s’y donnaient rendez-vous et réalisaient des bénéfices assez importants.
    • Le roi en exil a vécu en parfaite harmonie avec les populations FOTO (Dschang); lesquelles accueillaient ses visiteurs sans hostilité. D’un esprit ouvert pour avoir voyagé et vu autre chose, ces visiteurs du roi revenaient au village avec des idées et techniques nouvelles.
    • C’est bien parce que les ressortissants Bangoua ont adopté une attitude de «vivre-ensemble» avec les populations locales du Moungo qu’ils ont pu cultiver le Macabo pour se nourrir et alimenter le roi en exil.
    • Hier encore comme aujourd’hui, les Bangoua vivent et travaillent en parfaite harmonie dans tout le territoire national et même à l’Etranger; les plus téméraires parmi eux sont des leaders traditionnels, religieux, économiques, administratifs, intellectuels et même politiques dans leurs différents territoires d’accueil.
    • Bangoua de nos jours comme au temps du Roi NO-TCHOUTOUO, accueille tous les Camerounais (Fonctionnaires, travailleurs, entrepreneurs, hommes d’affaires, commerçants, agriculteurs…) d’origines diverses du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest et qui participent activement à leur manière, au développement harmonieux du Groupement.
    • Le multiculturalisme et l’intégration nationale: Tous ces événements ont provoqué, sans tambours ni trompettes, un multiculturalisme qui ne dit pas son nom :
      • Étant à Bali les émissaires apprenaient si ce n’était l’Anglais, le Pidgin, les danses et chants nouveaux. Revenus à Bangoua, les populations les adoptaient avec enthousiasme et les intégraient dans le patrimoine culturel du royaume.
      • À ce jour la fête se célèbre avec la participation remarquée et remarquable des communautés Anglophone et Bororo qui toutes se produisent sur la grande place de la chefferie avec la chorégraphie des danses de chez eux.
      • C’est d’ailleurs une fille de la communauté Bororo qui avait été élue Miss Macabo à l’édition du MACABO 2015.
      • La case traditionnelle construite par les Bororo en 2011 est encore bien visible sur la place de la chefferie.
      • Les jeunes Bororo et ceux de la culture anglophone sont souvent parmi les meilleurs élèves lors des différentes distributions des prix dans les lycées et collèges de Bangoua.
  • Toujours à la recherche d’une grande intégration de tous les groupes socioculturels à Bangoua, le Roi DJAMPOU ANICK JULIO et le Comité d’Organisation de l’édition 2019 du Festival MACABO, ont inscrit en bonne place la construction de la toute première Ecole Publique Primaire Bilingue dans le Groupement et plus particulièrement à Baloué (Louoh).

Voilà, brossé en quelques lignes, le contexte dans lequel s’inscrit la Fête de MACABO hier et aujourd’hui.

Par WOUE-MBOH-MBEUH-NGOUOK DJOUONANG Lucas et TIENDJA’POU SAH’ NGANSOP NONO Frédéric.

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Alexa Seleno
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