A nos très chers enfants.
Ces derniers temps on a noté de votre part une certaine agressivité à l’endroit de certains chefs traditionnels en déplacement en Europe. Les griefs que vous avez contre eux sont légitimes pour les enfants qui aiment leur pays et leurs parents dont ils n’attendent que le meilleur.
Vous les reprochez de soutenir le régime en place, de ne pas dénoncer la guerre du NOSO et surtout de ne pas rester dans leur rôle de gardien de la tradition. Tout ceci n’est pas faux mais il découle de la méconnaissance partielle de votre propre histoire. On peut le comprendre car vous êtes presque tous nés après l’indépendance et on vous a brièvement brossé le rôle que jouaient les chefs traditionnels d’avant.
Nous sommes habitués à la falsification de l’histoire dans tous les domaines. Je suis persuadé que lorsque vous allez comparer le contexte des chefs d’antan à celui des chefs actuels vous n’aurez pour ces derniers que de la compassion.Autrefois les chefs traditionnels bamileke étaient presque tous analphabets à l’exception de Kemayou Daniel, Chef Bazou et de Kamdem Nengnim de Baham. Ils avaient le droit de vie et de mort sur leurs populations. Ils étaient des rois tous égaux quel que soit la taille de leurs royaumes.
Les populations par quartier ravitaillaient la chefferie à tour de rôle chaque semaine en denrées alimentaires, en vin de palme ou de raphia. Le Chef pouvait épouser une centaine de femmes. Les femmes allaient nu pieds et portaient des cache-sexes. Dès jeunes gens non scolarisés étaient des serviteurs à la chefferie. Chaque femme du chef avait un serviteur à son service, chargé entre autres de ravitailler sa patrone en bois de chauffage. Les serviteurs n’étaient pas rémunérés et vivaient des avantages matériels de la chefferie.
Le Chef n’avait pas à s’occuper des besoins des femmes, bien au contraire, ni des enfants qui étaient à la charge de la famille maternelle. Le Chef était collecteur d’impôt et Président du tribunal coutumier. Après l’indépendance, la scolarisation a été rendue obligatoire pour tous les enfants.
Du coup, les jeunes garçons n’étaient plus disponibles pour servir bénévolement les chefferie. Les jeunes filles de leur côtés avec la mondialisation et ses médias ne peuvent plus accepter les conditions des anciennes reines. Les Chefs eux mêmes sont aujourd’hui des universitaires pour la plupart et leurs épouses également. Les populations ne donnent plus rien à manger à la chefferie. Les Chefs qui veulent s’aventurer dans l’agriculture de subsistance, sans domaine terrien propre à eux, sont tous les jours dans les tribunaux avec la population pour les litiges fonciers.
Pour survivre, beaucoup sont contraints de vendre aux élites en quête d’honneur et de gloire, des titres de notabilité. D’autres doivent tendre constament la main aux âmes généreuses pour faire face à toutes les charges: électricité, eau, habillement des épouses, scolarité des enfants, carburant pour ceux qui ont reçu en cadeau une voiture d’occasion de cinquième main etc.
Face à cette vie de galère, l’Etat à trouvé un moyen de les mettre sous son contrôle en faisant d’eux des auxiliaires d’administration sous les ordres des sous préfets. On les a divisés en les classifiant par degré. Ainsi il y a les Chefs de premier degré, de deuxième degré, et de troisième degré avec des salaires qui vont de 50 000 frs cfa environ pour les 3èmes degrés à environ 200 000 frs cfa pour les 1er degrés. Ce traitement est perçu pour certains comme une manne qui tombe du ciel. En retour ils ont l’obligation plus ou moins affichée d’apporter massivement les suffrages en faveur du parti au pouvoir lors des élections tenant compte de leur influence sur la population. Ils sont pour ainsi dire muselés à l’exception de Sokoundjou qui est resté upeciste jusqu’à l’os. Ils sont moralement forcés de se taire à défaut d’avoir une opinion critique à l’endroit du pouvoir en place.
Voilà chers enfants le contexte dans lequel vous traitez les chefs traditionnels Bamilekes de traîtres. Ne dit on pas que ventre affamé n’a point d’oreille? Vous voulez qu’ils retrouvent leur neutralité politique d’antan, qu’ils redeviennent les gardiens de la tradition, et qu’ils s’occupent de leurs populations.
C’est bien et c’est l’idéal mais que proposez vous comme mesures d’accompagnement dans le contexte de modernité actuel? Le repli est possible et la solution est simple. Le plus petit royaume Bamileke à ma connaissance ne compte pas moins de 5000 ressortissants. Si chaque ressortissant consent à mettre chaque mois 1000 frs cfa (1,5 euros) à la disposition de son roi, celui du moins peuplé de tous les royaumes aura 5 millions de frs cfa tous les mois pour le fonctionnement de sa chefferie, l’entretien de sa famille, et jouir d’une autonomie financière qui le libérera de l’emprise de l’administration.
Autre solution, si les fils et filles de la diaspora ressortissants du même village se mettent ensemble pour réaliser des projets rentables dans leurs villages en vue de créer des emplois pour les jeunes du terroir d’une part et installent les Chefs à la tête de ces projets avec bonne rémunération à l’appui d’autre part, nul doute que beaucoup reviendraient aux fondamentaux de la chefferie traditionnelle.
Voilà chers enfants la Modeste explication et la vision que je peux apporter afin de juguler la crise de confiance qui perturbe la diaspora Bamileke vis à vis de leurs pères Chefs traditionnels.
C’est alors que vous pourrez exiger d’eux qu’ils se retirent de la politique et laissent leurs populations militer dans le parti de leur choix.
Foh Tchopzok Nono Robert.
(…Si chaque ressortissant consent à mettre chaque mois 1000 frs cfa (1,5 euros) à la disposition de son roi, celui du moins peuplé de tous les royaumes aura 5 millions de frs cfa tous les mois pour le fonctionnement de sa chefferie, l’entretien de sa famille, et jouir d’une autonomie financière qui le libérera de l’emprise de l’administration…)
C’est un sujet débattu dans beaucoup de milieux.
Une autre problématique semble se dégager de celle relever, la banalisation du pouvoir traditionnel et la recolonisation de l’Afrique à travers sa culture.
La culture africaine est très appréciée en occident ( elle y est même très bien vendu).
La diaspora à elle seule aurait pu apporter son soutien dans son entièreté à la chefferie traditionnelle, Mais que faire des dérives du comportement dès lors que le citoyen du village, expatriés ou pas, recoit un titre de notabilité?
Nos chefs pour glaner des subsides, risquent de devenir des danseurs sur les scènes occidentales, au même titre que les artistes en tout genre.
La recolonisation de l’Afrique n’a-t-elle pas reprise à travers certaines actions dites de promotion de la culture?
Je m’interroge !!!!
Bien dit, Foh Tchopzok Robert Nono.
Il faudrait bien réfléchir sur la structure a mettre en place.
Je suis partant pour
-réfléchir sur la question « comment faire pour que les Rois s’occupent de leurs populations ».
-mettre en place une structure de paiement pour les Rois et autres projets.